UN PEU D'HISTOIRE...
Le sang et la
poudre, la saveur brûlante du rhum des tropiques, un drapeau noir
claquant au vent… L’histoire de la piraterie est synonyme
d’aventures épiques et romantiques. Qui n’a pas rêvé de se trouver
sur la dunette d’un navire forban chassant un lourd galion aux
flancs gonflés de promesses d’or et d‘épices ? Ripaillant et
dépensant sans compter les pièces de huit sur une plage, bercé par
le ressac de l’océan, ricanant de manière cruelle pendant que l’on
dépèce un capitaine espagnol attaché au grand mât… Euuuh non pas çà,
bon ! Qu’en est-il en vérité ?
Il faut tout
d’abord pour être honnête avouer que la piraterie telle que nous la
concevons de manière traditionnelle (voir ci-dessus) n’a duré qu’un
temps relativement court. Laissez-moi si vous le voulez bien vous
résumer son histoire.
En 1492
Christophe Colomb découvre l’Amérique. Ce Génois inculte croit qu’il
s’agit là des Indes et faute de preuves finit par inventer n’importe
quoi. Comme Colomb casse les pieds à la cours d’Espagne avec ses
revendications on finit par le renvoyer en Espagne couvert de
chaînes. Les souverains espagnols par contre ne se posent pas de
questions métaphysiques et mettent la main sur un nombre croissant
de terres dans le golfe du Mexique. Ces conquêtes faciles et l’or
qu’ils en retirent permettent à l’Espagne de financer en Europe un
nombre croissant de guerres avec ses voisins. Inutile de dire que
cela déplaît «souverainement » à l’ensemble des cours européennes
qui réagissent en contestant dès 1586 la présence espagnole à
Hispaniola et dans toutes les Caraïbes. Mais la vieille Europe ne
peut se battre sur deux fronts. Beaucoup de souverains de l’époque
doutent de l’utilité de s’impliquer de manière forte dans cette
région. Ils refusent pour la plupart de détacher leurs navires et
leurs armées, ne pouvant affaiblir leur position en Europe. Ce sont
donc des aventuriers de toutes les nations que l’on voit se déverser
dans les îles. Des membres de familles à la noblesse certaine mais
désargentée, des gibiers de potence, des filles de mauvaise vie, des
réfugiés politiques, des protestants traqués… toute la lie de la
vieille Europe se retrouve ici. Beaucoup meurent lors du voyage où
emporté après leur arrivée par les fièvres. Mais les survivants
trouvent dans ces îles un espace de liberté jusque là inconnu,
propre à toutes les utopies.
Toutes les
nations d’Europe et plus particulièrement L’Espagne, la France,
l’Angleterre et la Hollande ont donc des colonies. Aux grés des
guerres en Europe on distribue des lettres de marques. Les
gouverneurs de l’époque sont à l’image des personnes qu’ils sont
censés gouverner : des fripouilles hautes en couleurs envoyées là
par des monarques désirant se débarrasser d’eux. Il est donc aisé de
se voir délivrer des lettres de marques … Blanc sein permettant
d’attaquer un navire ennemi et de le piller en toute impunité. Et si
on a la vue qui baisse et que l’on se trompe de pavillon ou que sa
mémoire flanche et que l’on ne se souvient plus de la date de
validité de sa lettre et bien il suffit de s’arranger avec cette
fripouille de gouverneur…
Mais déjà les
temps héroïques tendent à leur fin. Les boucaniers, ces fils de la
fumée, sont repoussés dans de minuscules îles dont l’on connaît les
noms : La Tortue, Providence, Saint Domingue… Les états européens se
sont rendu compte du formidable potentiel de ces terres nouvelles :
L’or, le sucre, les épices que l’on tire de ces terres servent à
financer les guerres des Etats européens.
En
1700 se produit un événement qui change du tout au tout l’équilibre
des forces dans les Caraïbes. Le roi d’Espagne Charles II meurt sans
descendant. C’est Philippe V, un Bourbon qui monte sur le trône. Ce
dernier n’est ni plus ni moins que le petit-fils de Louis XIV. Pour
la première fois depuis longtemps l’Espagne et la France sont
alliées. La France tolérait jusque là les pirates dans son île de
Saint Domingue. Ceux-ci y trouvaient une base arrière accueillante
pour radouber leurs navires, vendre leurs prises… Et dépenser leur
butin. Dès 1700 on les chasse de cet endroit. Certain se réfugient
dans l’île voisine de Providence. D’autres, comme Avery, sentant le
vent tourner, partent explorer d’autres côtes ou océans. Leurs
nouveaux terrains de chasse sont la côte africaine, l’Océan Indien
ou le Pacifique.
Mais
c’est le crépuscule de la piraterie dans les caraïbes. En 1717 Le
roi d’Angleterre envoie une flotte de guerre (commandée par Wood
Roger) sur la Providence. Ses voisins Français, Espagnols et
Hollandais applaudissent. Les pirates qui n’ont pas réussi à
s’enfuir sont sommés de se soumettre ou d’être pendu. Plusieurs
centaines de flibustiers sont ainsi pendus. Les survivants
s’échappent le plus souvent vers l’Afrique. Les Caraïbes ne
connaîtront plus dès lors qu’épisodiquement quelques actes de
piraterie. La période des anges noirs de l’utopie est définitivement
tournée dans cette région : La place est maintenant aux bureaucrates
et aux administrateurs.
Les survivants
se réfugient dans l’Océan Indien où ils feront encore trembler
pendant 15 ans les états européens. La plus grande crainte des rois
d’occident est alors que ces rebelles parviennent à constituer là
bas une nation structurée. L’on connaît le nom de ces terribles
forbans : La Buse, Taylor, Bowen, White, England… Mais ici aussi la
civilisation les rejoint. Pourchassés, pendus, recherchés, sans
refuge, ils disparaissent tous les uns après les autres. Les plus
malins se retirent avec leur fortune. Les plus malchanceux sont
pendus.
L’histoire est
dite, la nuit est là. Tombe l’obscurité sur l’histoire des anges
noirs de l’utopie.
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